Société Française des Amis de Saint-Jacques de Compostelle La plus ancienne de toutes les associations jacquaires – depuis 1950

Colloque-action « Spiritualité(s) : archipel ou bien commun ? »

Au Forum 104, le Samedi 1er février 2025

Compte-rendu

Le Forum 104 a confié à « Démocratie et spiritualité » fin 2022 un chantier né du constat de :

« Le spirituel, dernière chance pour nous en sortir aujourd’hui ? » interroge l’auteur Eric Vinson.
Trois groupes de travail ont fonctionné en « laboratoire à l’écoute du monde actuel pour expérimenter des réponses possibles », selon 3 thématiques :

Les participants, de confessions diverses, ont en commun la recherche du spirituel ; la quête de sens les rassemble, les défis leur donnent « faim d’agir ». Ils ont construit de la confiance entre eux, oeuvré ensemble parfois dans le labeur, identifié leurs différences pour les regarder comme complémentarités et richesse. Avoir appris à se reconnaitre différents a « créé une joie profonde ».
Le colloque visait à rendre compte de cette expérience collective et la prolonger.
Des ébauches d’outils de « dialogue interconvictionnel et de cheminement » ont été présentées, des propositions d’actions soumises aux quelques 70 participants présents à la journée, avec l’objectif d’associer plus largement les associations adhérentes au Forum 104 ou non, et accroitre la diversité de la participation y compris intergénérationnelle.

Anne-Marie Podesta, vice-présidente, présente à ce colloque, nous partage ses réflexions

Ma présence à ce colloque traduit l’importance qu’attache la Société Française à la dimension spirituelle du Chemin vers Saint-Jacques de Compostelle, et s’inscrit dans le projet porté dans le cadre de Europa Camino Compostela, par Patrice Bernard notre président et Pascal Duchesne Président de l’Association Belge des Amis de Saint-Jacques de Compostelle, à savoir livrer une contribution sur ce sujet comme les Italiens et Espagnols l’ont fait sur le thème de l’hébergement pèlerin. Dans ce texte je vous propose les réflexions que m’ont suscité les travaux de ce colloque et les traductions concrètes qui selon moi font vivre cette notion dans le monde jacquaire, document de travail à enrichir, amender, développer.

« Après 75 ans d’existence, quels défis pour l’avenir? » Ce court article paru dans l’Echo des Chemins de Saint Jacques souligne depuis la création de la Société Française des Amis de Saint Jacques de Compostelle, le développement de la fréquentation des chemins au fur et à mesure de leur ouverture, puis l’engouement exponentiel pour l’expérience du Camino. Cet engouement manifeste combien  l’expérience jacquaire  est en phase avec les attentes de nos contemporains et souvent les dépasse comme en témoigne nombre de ceux partis dans cette aventure.

La marchandisation croissante, un risque

Avec en parallèle, la demande pour des services s’approchant des normes de tourisme d’une part et d’autre part une offre et des pratiques étrangères à la frugalité pèlerine. Les outils numériques tirent les usages sur les chemins les plus fréquentés vers la standardisation des opérateurs de tourisme
Si on peut se réjouir du succès du  » Camino » la marchandisation que l’on observe le réduit à un banal produit touristique, crée l’occultation des qualités qui le distinguent d’un treck ou d’une randonnée, elle risque d’éteindre son « esprit pèlerin ». Le défi à venir va consister à permettre que cette expérience soit pour chacun irriguée par « l’esprit du chemin ».

L’esprit du chemin : quesaco ?

L’expression souvent employée résume les caractéristiques propres aux « Chemins de Saint Jacques » : la simplicité, la rencontre, l’accueil et le partage, l’effort et le dépouillement. Elles en font toute sa valeur et dans leur pratique se trouve son vrai bénéfice : la possibilité d’une transformation  personnelle, d’une aventure spirituelle.
Ces qualités sont l’héritage fait à notre époque par le pèlerinage médiéval. Le défi est de nous souvenir de ce leg religieux et d’être à la hauteur de son invitation spirituelle, donc de veiller à ce que:
– Les acteurs institutionnels comme privés maintiennent la possibilité de cet esprit de générosité et de gratuité et qui rend le marcheur pèlerin.
– La place et le rôle des hospitaliers soient valorisés
– Les bénévoles des associations jacquaires soutenus et non entravés.

Spirituel, religion, laïcité

Il faut nous dans le monde jacquaire nous mettre au clair sur les liens entre ces termes, qui se renforcent plutôt que ne s’opposent. Le spirituel, s’il est possible de définir une notion aussi complexe, quels mots pour le dire ? tentons : ce serait cet appel vers plus que soi, une soif d’absolu, cet essentiel « que nous disons rechercher et dont nous sommes pourtant ignorants » (Reza Moghaddassi), le supplément d’âme qui ouvre les coeurs et les esprits. Il suppose une démarche d’intériorité, de vouloir tourner son regard vers sa météo affective, son paysage intérieur avec ses précipices, sa ligne d’horizon, son ciel…

Cheminer en soi-même, ceci d’autant plus aisément que les pieds cheminent eux-mêmes sur les sentiers.

L’aspiration spirituelle peut être considérée comme la racine des religions, chacune étant une forme donnée à cette quête. Le spirituel serait le commun des religions. Le pèlerinage médiéval à Compostelle est sans conteste d’obédience chrétienne et emprunt de toute la spiritualité qui la travaille. Force est de constater que la démarche du pèlerinage avec le culte des reliques qui y était attaché ne parle plus à nos contemporains alors que cette tradition réactivée a nourri le Camino tel que nous le vivons aujourd’hui. Comment remonter à la source spirituelle qui la nourrissait ?

– Rappeler sans cesse cette origine chrétienne du pèlerinage au tombeau de St Jacques à Compostelle
– Trouver les mots, d’autres mots pour dire l’exceptionnel de l’expérience offerte sur les chemins de Saint-Jacques

Quant à la laïcité, ce principe qui garantit la liberté de croire ou ne pas croire elle organise société : elle interdit de traiter différemment les personnes en fonction de leur appartenance religieuse réelle ou supposée. A nous de savoir associer cette valeur dans notre approche.

Au plan interpersonnel, elle nous appelle à aller plus loin : à reconnaitre à autrui le droit de professer des convictions autres que les miennes même si je ne les partage pas. Y compris celui de dénier une dimension spirituelle au cheminement vers St Jacques…

– Signifier que chacun, quel qu’il soit, quelques soient ses raisons, y est invité
– Expliciter cette fraternité jacquaire qui relie ceux qui ont foulé les chemins de St Jacques où il sera le bienvenu.